Le papier souffre tout, et ne rougit de rien.

Je tenais à vous partager ce jour mon point de vue concernant la communication visuelle 100% digitale dont j’entends de plus en plus parler. J’entends par “communication visuelle 100% digitale” le fait de communiquer exclusivement avec les outils du web (réseaux sociaux, site internet, newsletter…) et exclure tout support papier générant (soi-disant) beaucoup de déchets et de pollution. 

Vous me direz sûrement que le sujet est sensible, mais il me tient à cœur de le traiter. Bien entendu, chacun est libre de faire ses propres choix pour sa communication, et heureusement ! Toutefois, tous les propos que j’entends sur la communication visuelle 100% digitale sont à nuancer… Comme pour tout, rien n’est jamais tout blanc ou tout noir. C’est pourquoi, il m’est particulièrement difficile de croire qu’une communication entièrement digitale, dite aussi “zéro-déchet” est plus écologique que l’utilisation rationnelle et réfléchie de supports de communication imprimés. L'idée de cet article de blog est de vous partager de manière  factuelle l'impact d'une communication visuelle reposant uniquement sur le numérique.

La dématérialisation est censée réduire l'utilisation de matières premières
Je vais tout de suite briser le mythe… La dématérialisation consomme tout autant (voire plus) de ressources que l’impression classique, et ce, pour deux raisons :
D'une part, il faut des infrastructures pour stocker les données. La sémantique du nuage, “cloud” en anglais, est profondément fallacieuse. D'autre part, en dématérialisant, nous stockons nos données sur des serveurs que l'on doit refroidir vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept : ce stockage « chaud » coûte énormément d'énergie. Aujourd'hui, les data centers consomment environ 10% de l'électricité mondiale. Si rien ne change, cela devrait passer à 20% en 2030.

 

L’imprimerie traditionnelle comme moyen de communication ancestrale détrôné
Bien évidemment, tout le monde a conscience que les filières du papier et de l’imprimerie ne sont pas irréprochables non plus. On parle ici de problèmes ou risques globaux liés à la délocalisation, à la traçabilité des matières premières, au transport, à la pollution, à l’impact écologique des arbres transgéniques.

Rappelons-nous que c’est à la fin du 20ᵉ siècle que l’imprimerie traditionnelle s’est vue être concurrencée par l’émergence d’un canal de communication à fort potentiel, intangible et impalpable : le digital. Par conséquent, face aux lobbies, les imprimeurs et papetiers ont dû adapter leur offre au risque de voir leurs métiers disparaître et leurs conditions de travail se dégrader.


Pour autant, il y a bien une limite que l’on peut pointer du doigt avec le digital : sans électricité, tout s’envole. Bien évidemment, une coupure générale n’est pas à souhaiter et ne verra peut-être jamais le jour, mais disposer de supports de communication imprimés, c’est la garantie d’avoir une communication résiliente, et ce, peu importe la situation. Il faut savoir qu’il y a tout un tas de procédés qui ne nécessitent pas forcément d’électricité pour imprimer. Enfin, la pénurie actuelle de papier nous laisse s’interroger aussi sur des solutions tournées vers l’économie circulaire afin de démarrer une véritable chaîne du recyclage à partir de nos chutes de papiers sur tous les territoires afin de ne plus dépendre des coupes d’arbres et de pâtes à papier venant du bout du monde.

 

Une multitude de savoir-faire gravitent autour de la filière papier et de l’imprimerie
Certains penseront que l’impression se limite uniquement à un parc machine numérique. Mais non ! Ce sont de nombreux acteurs qui entrent en jeu dans la filière du papier ! 

Opter pour une communication 100% digitale, c’est passer à côté de savoir-faire manuels et traditionnels mis en œuvre par des imprimeurs et papetiers passionnés par leur matière, leur machine et qui ont le souci de se renouveler face aux enjeux climatiques et durables. (encres végétales, stock de papiers recyclés, fabricants locaux ou nationaux…)

En effet, le papier peut être un matériau écologique par excellence… si et seulement si, les impacts de sa fabrication sont bien gérés, de la forêt à la feuille.

Aussi, il est à noter que la filière s’est engagée depuis quelques années dans le contrôle et la réduction de la consommation des matières premières que sont le bois et l’eau, en s’engageant notamment dans une démarche de recyclage.

L’imprimante Heidelberg dans le parc machine de As de Print (Photographie : Dométhilde photographies)

 

Schéma fourni par l’agence de la transition écologique (ADEME)

 

Chutes de papier pour faire la pâte à papier (Pozette)

L’écologie, c’est aussi des choix de consommation.
Comme vous le savez, l’écologie ne se limite pas seulement à la protection de l’environnement, elle englobe aussi les facteurs sociaux et sociétaux. 

Il existe des alternatives pour que votre consommation soit durable et ai un impact positif économique, social et écologique, à commencer par l’utilisation du papier recyclé, fait-main, conçu de manière artisanal. Et c’est encore mieux si c’est de fabrication locale et nationale. C’est un choix de consommation qui permet de faire travailler les artisans proches de chez vous qui sont dans cette démarche de renouvellement de cette filière papier qui; elle pour le coup est dans une démarche zéro-déchet. La question du transport est également de mise, moins le support voyage, mieux son cycle de vie est amélioré.

De mon avis, choisir une communication 100% digitale c’est aller vers une société qui se plais avec toutes les nouvelles technologies parfois déconnectées des relations humaines (uberisation, IA, QR code, et bientôt le metaverse?)

À choisir entre la technique et les nouvelles technologies je choisis la technique, car elle apporte en elle-même davantage d’authenticité et de tissu social dans le monde réel.

 

Un retour significatif qui m’a beaucoup émue car c’est exactement ce que j’ai envie d’apporter dans ma démarche de designer graphique : l’amélioration du cycle de vie des supports imprimés (conservation, utilisation personnelle, réutilisation…), c’est encore mieux quand ça rapporte du dialogue social.

 
Le design n’offre pas “la solution” mais des solutions, il ouvre le débat, propose des alternatives, offre des définitions originales de notre cadre de vie, de nos modes de vie de demain.
— Anne Ascencio, designer industriel, États-Unis

Mes bonnes pratiques pour une communication visuelle print durable et soutenable :

  • Conseil n°1 : Commencez par diversifier vos matières et techniques d’impression. Il n’y a pas que le papier comme ressource pour les supports de communication ! Vous pouvez opter pour du tissu ou du bois par exemple. À la place d’une bâche imprimée, vous pouvez faire le choix de broder une nappe qui sera lavable, réutilisable et moins encombrante. Ou encore, opter pour des cartes de visites tamponnable, un panneau en gravure su bois…Ces choix ne peuvent que vous démarquez.

  • Conseil n°2 : Privilégiez les artisans imprimeurs aux plateformes en ligne. Votre rendu n’en sera que meilleur !
    Les plateformes d’impression en ligne vous feront payer des frais supplémentaires liés aux BAT. Alors que bien souvent, même après leur vérification, plusieurs défauts peuvent venir se glisser dans vos impressions : mauvaise découpe, encre qui bave, photos manquantes…
    L’artisan imprimeur, quant à lui, vous proposera naturellement sans surcoût dans sa prestation la vérification du BAT. La qualité sera au rendez-vous avec certitude.

  • Conseil n°3 : Je vous préconise d’estimer vos besoins de manière précise avant de lancer toute commande afin d’éviter de laisser trainer l’excédent dans vos placards ou pire, d’être obligé de les jeter.

  • Conseil n°4: Enfin, lorsque vous commandez un support de communication pour votre activité, limitez au maximum l’utilisation de chiffres clés. Ils peuvent être amenés à évoluer avec le temps et ils rendront, de fait, vos supports obsolètes.

 

Conclusion :

Évidemment, on ne va pas se le cacher, avoir des supports de communication sans empreinte carbone est assez compliqué... Toutefois, tout est une question d’équilibre. C’est pourquoi combiner communication digitale et communication print me semble être la meilleure solution. Elles seront complémentaires entre elles et vous pourrez ainsi maximiser vos chances d’adresser votre client idéal. Il est à noter aussi qu’une jolie carte de visite ou une carte postale imprimée d’un beau papier avec une finition particulière marquera toujours plus qu’une newsletter ou une bannière, qui sera lue derrière un écran. Le papier est palpable, il accorde de l’importance, fait ressentir des émotions et permet de laisser une trace, un souvenir.

Enfin, le problème n’est pas le papier en soi, mais notre matière de le consommer. C’est pourquoi faire des choix éclairés et conscients sur la conception du support en fonction de sa diffusion est un bon réflexe à prendre en compte pour allonger son cycle de vie.

 
 
 

Merci à Charline MOUSSU - La polichinelle pour la coécriture de cet article 🦋

Sources :

https://www.liberation.fr/debats/2020/03/27/vous-avez-du-temps-nettoyez-vos-dechets-numeriques_1783284/

https://www.ensad.fr/sites/default/files/ecoconception_etapes_243.pdf

https://antipub.org/pression-publicitaire-etat-des-lieux/

https://www.geo.fr/environnement/ecofolio-l-economie-circulaire-du-papier-171971

https://fr.fsc.org/fr-fr/foret/gestion-responsable

WWF France. (2018). Les livres de la jungle : l’édition Jeunesse abîme-t-elle les forêts ?

https://www.eyrolles.com/Entreprise/Livre/le-guide-de-l-eco-communication

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